Histoire de l’Institut de Paléontologie Humaine

LA CRÉATION DE L’INSTITUT DE PALÉONTOLOGIE HUMAINE

La création de l’Institut de Paléontologie humaine, en 1910, par le Prince Souverain Albert 1er de Monaco marque une étape majeure dans le mouvement de professionnalisation de la science préhistorique. Pour la première fois des chercheurs vont bénéficier de moyens pérennes pour mener à bien leurs recherches sur l’homme fossile, de la fouille à la publication.

Grâce à des naturalistes d’exception de la première moitié du XIXe siècle, la contemporanéité de l’Homme et d’espèces disparues a été établie tandis que c’est l’authentification, en 1859, des découvertes de Jacques Boucher de Pertes par les paléontologues anglais Falconer, Prestwich et Evans et le Français Albert Gaudry qui marque la reconnaissance officielle de la préhistoire.

Par la suite, c’est une école française de la préhistoire que se développa autour de personnalités comme Edouard Lartet, Emile Cartailhac, Edouard Piette, Emile Rivière ou Gabriel de Mortillet. A la suite de leurs travaux, de multiples chantiers de fouilles furent ouverts qui permirent de reconnaître in situ les diverses civilisations préhistoriques qui se sont succédé et de constituer de formidables collections.

Cependant, au début du XXe siècle, il n’existait toujours pas de reconnaissance académique ou de structures pérennes de recherche dans ce domaine scientifique.

Albert Ier et Henri Breuil

L’Abbé Breuil pouvait alors écrire : « Que n’obtiendrait-on, si des hommes, rompus aux disciplines scientifiques, libres de leur temps, armés des moyens essentiels, pouvaient consacrer aux recherches leur existence, fouiller, explorer, publier ? ». En effet, malgré le dynamisme des recherches, la France, berceau de la découverte des cultures paléolithiques, ne concédait encore à cette discipline qu’une place réduite, que ce soit en termes de reconnaissance officielle et académique ou de professionnalisation des chercheurs.

La création de la Fondation Institut de Paléontologie Humaine (IPH), le 23 juillet 1910, puis sa reconnaissance d’utilité publique, le 15 décembre 1910, par décret du Président de la République, marquent une rupture : l’IPH allait devenir le premier centre de recherche au monde entièrement dédié à l’étude de l’Homme fossile, dans une perspective à la fois naturaliste et ethnographique, ayant vocation à assumer l’intégralité de la chaîne de production du savoir, de la fouille à la publication des résultats scientifiques.

C’est sur les conseils de l’abbé Henri Breuil et de Marcellin Boule, professeur de Paléontologie au Muséum National d’Histoire Naturelle, et après une visite des grottes ornées des Pyrénées Cantabriques, en juillet 1909, que le Prince Albert 1er de Monaco décide de créer l’Institut de Paléontologie Humaine, qu’il finance de ses propres deniers.

Marcellin Boule

Le Prince confie alors à deux grands prix de Rome, l’architecte Emmanuel Pontremoli et le sculpteur Constant Roux, la réalisation du bâtiment qui abritera les activités de ce nouvel institut, vaste et élégant tout en étant conforme à son usage scientifique.

Tandis que les travaux ne commenceront qu’en 1912, le premier Conseil d’administration a déjà eu lieu, le 24 janvier 1911, et les professeurs des différentes chaires sont désignés : Henri Breuil pour l’ethnographie préhistorique, Hugo Obermaier pour la géologie appliquée à la préhistoire et René Verneau pour l’anthropologie préhistorique.

L’établissement, construit sur une partie d’un ancien marché aux chevaux, proche du Jardin des Plantes, occupe une surface de 1200 m2 environ, avec 3 façades donnant sur la rue René Panhard, le boulevard Saint-Marcel et la rue des Wallons.

Par son aspect à la fois robuste et élégant, ses façades en pierres d’Euville, allégées de remplissages de briques, sa porte d’entrée monumentale surmontée des armes du Prince de Monaco, et sa frise en bas-relief du sculpteur Constant Roux courant sur les trois façades, l’Institut de Paléontologie Humaine demeure un monument de grand style architectural, entre éclectisme et modernisme.

Le programme iconographique est original pour l’époque. Il doit évoquer le comparatisme ethnographique qui est pratiqué par les chercheurs de l’institut. Ainsi des peuples traditionnels de chasseurs-cueilleurs sont saisis dans leurs activités quotidiennes : chasse au bison, cuisson du poisson chez les Fuégiens ou réparation d’une embarcation chez les aborigènes d’Australie. Finalement, l’homme préhistorique n’est que très peu évoqué de façon directe sauf à la porte d’entrée où des Cro-Magnon peignant les parois des grottes sont représentés.

Pour la réalisation de l’Institut de Paléontologie Humaine, l’architecte, Emmanuel Pontremoli, et le sculpteur, Constant Roux, recevront le prix Lheureux de la Ville de Paris, respectivement en 1913 et 1917.

L’inauguration officielle se déroula le 23 décembre 1920 en présence du Président de la République, Alexandre Millerand, du Ministre de l’Instruction publique, André Honnorat et des plus hautes autorités politiques et universitaires.

Le Prince Albert 1er de Monaco

Le Prince Albert 1er de Monaco a témoigné très tôt de son intérêt pour les sciences naturelles, notamment pour l’océanographie et la paléontologie humaine. Rappelons qu’il s’est initié à la zoologie auprès d’Alphonse Milne-Edwards (1835-1900) et à la paléontologie dans le laboratoire d’Albert Gaudry (1827-1908) au Muséum national d’histoire naturelle.

En créant, dès le début du XXe siècle, des institutions telles que l’Institut océanographique et l’Institut de Paléontologie Humaine, à Paris, et le Musée d’anthropologie préhistorique et le Musée océanographique à Monaco, le Prince, mécène tout autant que savant, a joué un rôle moteur pour le développement et l’institutionnalisation de ces disciplines.

Pour le Prince, il est impératif que la recherche scientifique se fonde sur des observations et des expériences précises et rigoureuses. Sa volonté formelle est de participer, à titre personnel et de façon directe, à la recherche.

Ainsi, de 1885 à 1915, ce sont 28 campagnes océanographiques qu’il organise dans la région des Açores et de la mer des Sargasses aboutissant à la réalisation de la carte générale bathymétrique des océans et à la description du Gulf stream, le courant atlantique nord.

A la même période, le Prince Albert 1er initie des fouilles dans quatre des grottes de Grimaldi, dans le massif des Baoussé-Roussé près de Menton, : la Barma Grande, la Grotte des enfants, celles du Cavillon et du Pont Romain. A partir de 1916, à Monaco, c’est principalement la Grotte de l’Observatoire qui retient son attention.

La fouille de la grotte du Pont Romain, actuellement appelée : grotte du Prince, est officiellement ouverte le lundi 22 avril 1895. Les consignes fixées par le Prince sont rigoureuses pour l’époque : il s’agit de mener la fouille avec méthode en tenant un journal détaillé qui seul sera gage du succès et de la légitimité scientifique des recherches.

A côté de ce rôle actif dans l’archéologie préhistorique, Albert 1er intervient également en tant que mécène au profit des préhistoriens. Il en est ainsi lorsqu’il donne à l’abbé Henri Breuil (1877-1961) les moyens financiers pour mener et publier ses recherches sur l’art pariétal paléolithique mais également lorsqu’il favorise l’accueil en Principauté de la treizième session du Congrès international d’anthropologie et d’archéologie préhistoriques qui s’ouvre le 16 avril 1906.

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L’institut de Paléontologie humaine, activités scientifiques et collections

100 ans de Préhistoire.

D’autres articles concernant la création de l’Institut de Paléontologie Humaine :

Article paru dans la revue L’Anthropologie en 1920

La Création de l’Institut de Paléontologie Humaine

Présentation de l’Institut de Paléontologie Humaine

Article paru dans le bulletin d’archéologie et d’histoire du XIIIe arrondissement

Pour faire honneur à la science et rappeler le don fait à celle-ci par le Prince Albert Ier, c’est à l’architecte Emmanuel Pontremoli, grand prix de Rome en 1890 et directeur de l’École nationale supérieure des beaux-arts, que la conception de l’Institut de paléontologie humaine a été confiée. Pour sa réalisation, E. Pontremoli va faire appel entre 1911 et 1914 aux principaux artisans qui ont travaillé pour lui sur le chantier de la « folie à l’antique » de Théodore Reinach (la villa Kerylos de Beaulieu-sur-Mer).

Tout le génie de Pontremoli s’exprime dans le caractère monumental de ce bâtiment, desservi par une double façade contribuant à le mettre en scène à l’emplacement pourtant contraignant qui avait été choisi, tout en respectant un cahier des charges exigeant. Le vaste bâtiment livré en 1914 par E. Pontremoli représente sur quatre niveaux une composition faite de volumes imposants et de respect des impératifs scientifiques pour lesquels les outils les plus modernes d’alors sont mis en œuvre : laboratoires de photographie et de chimie, ateliers, salle de conférence et d’exposition, salles de collections, bibliothèque, salle de dessin, cabinets de travail.

Le riche programme décoratif des façades de l’institut, réalisé par le sculpteur Constant Roux, s’inspire essentiellement de scènes de la vie quotidienne des peuples dits primitifs, évoquées comme un écho aux temps préhistoriques.

Détails de la frise sculptée par Constant Roux, Institut de paléontologie humaine

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