Collaboration franco-turque autour des sites de Karaïn et de Denizli
Publié le mardi 9 septembre 2008 à 15h20min
La Turquie, carrefour entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe s’impose comme un territoire clé pour la compréhension des premiers peuplements de l’Eurasie et, plus particulièrement, du bassin méditerranéen. Or, si l’histoire des premiers hommes est bien documentée en Afrique, où elle est la plus ancienne, leur diffusion à travers le reste de l’ancien monde est moins bien appréhendée.
Les Homo ergaster, qui succèdent aux Homo habilis en Afrique, développent vers 1,7 Ma une industrie à bifaces. Dans l’état des connaissances actuelles, ce type d’industrie, qui caractérise la culture dite acheuléenne, semble se diffuser en Eurasie où elle a été identifiée en Chine vers 1 Ma et en Europe occidentale vers 0,6 Ma.
Cependant les modalités de ces premiers peuplements restent mal connues et la Turquie, à la croisée de ces trois continents, est un terrain d’études privilégié comme le prouvent les nombreuses investigations menées sur les périodes protohistoriques.
Du fait d’un fort investissement des chercheurs turcs dans ces domaines, les recherches en préhistoire, portant sur les époques paléolithiques, sont peu développées en Turquie. Signalons cependant, deux sites importants : l’un près d’Istanbul : la grotte de Yarimburgaz et l’autre près d’Antalya : la grotte de Karaïn, qui ont livré des industries paléolithiques et des restes humains néandertaliens.
Afin de préciser le scénario de la colonisation de l’Europe par les premiers hommes et de mettre en évidence les différentes vagues successives de peuplement, l’Institut de paléontologie humaine a entrepris depuis 1998, en collaboration étroite avec les chercheurs turcs de l’Université d’Ankara, un programme de coopération scientifique dans le domaine de la préhistoire, de la paléontologie humaine et de la géologie du quaternaire. Ces recherches sont conduites avec une démarche pluridisciplinaire faisant appel aux sciences de la terre (stratigraphie, sédimentologie, magnétostratigraphie, géochronologie), aux sciences de la vie (paléontologie, anatomie comparée) et aux sciences de l’homme (préhistoire, anthropologie, palethnographie). Elles portent essentiellement sur la grotte de Karain E située dans la province d’Antalya où elle fait partie d’un vaste réseau karstique comprenant plusieurs grottes occupées depuis le paléolithique jusqu’à l’époque romaine.
La grotte de Karain E présente une puissante stratigraphie au sein de laquelle ont été mis au jour de nombreux niveaux archéologiques allant du « Clactonien » au Chalcolithique, en passant par des niveaux « Protocharentiens », Charentiens, Moustérien de type Karain (ou type Zagros) et moustérien typique, ayant livré environ 80 000 pièces lithiques ainsi que les seuls restes humains anciens connus aujourd’hui en Turquie avec le crâne découvert récemment à Kocabaç.
Ainsi, l’objectif de ce programme de recherche franco-turc est d’appréhender l’évolution morphologique et culturelle de ces premiers hommes de Turquie tout en considérant leur contexte paléo-environnemental afin de mieux connaître la place et le rôle de la Turquie dans les processus de peuplement de l’ancien monde.
Vue de la stratigraphie de la grotte de Karain E, près d’Antalya
Paysage autour de la grotte de Karain E
Mission française en 2008 : Programme de moulage des pièces préhistoriques à l’Université d’Ankara en Turquie
Reconstitution 3D crâne de Denizli
Inauguration de l’exposition "Premiers peuplements de Turquie"
L’inauguration de l’exposition "Premiers peuplements de Turquie", présidée par l’Ambassadeur de France en Turquie, le Ministre de la Culture et du Tourisme, s’est déroulée le 5 novembre dernier au musée des Civilisations anatoliennes d’Ankara en présence de la directrice du musée, du directeur de l’Institut de Paléontologie Humaine de Paris, du Recteur de l’Université d’Ankara et la directrice de son département d’archéologie préhistorique.